Entretien

Frédéric Sojcher décortique le cinéma et transmet sa passion du 7e art

Avec son dernier livre, Anatomie du cinéma, Frédéric Sojcher nous invite à découvrir les coulisses du septième art mais également son propre univers où l'enseignement du cinéma devient vecteur de transmission et de réflexion.  

vignette-publication Paru en avril dernier aux éditions Nouveau Monde, Anatomie du cinéma est volontiers présenté par son auteur comme un « anti-manuel » avec néanmoins pour ambition de donner aux lecteurs, qu’ils soient étudiants ou passionnés, les clefs pour « faire des films » et « savoir ce qu’il faut avant de se lancer ». Car Frédéric Sojcher, s’il est un cinéaste – il a réalisé une dizaine de courts et cinq longs métrages – n’en demeure pas moins un enseignant-chercheur. Professeur en pratiques du cinéma et responsable du master 2 Scénario, réalisation, production à l’École des arts de la Sorbonne depuis vingt ans, il offre avec ce livre un regard panoramique sur une industrie, ses acteurs et ses coulisses sans omettre les débats sociétaux qui les traversent.

Votre livre n'est pas lié à une actualité précise. Pourquoi ce choix ?

C'est un ouvrage qui a vocation à durer dans le temps. J'ai reçu de bons retours, notamment de médias comme TV5 et France 24. Ce n'est pas un livre à lire rapidement, mais plutôt à méditer, à revisiter.

Vous parlez beaucoup de transmission. Pourquoi est-ce si important pour vous ?

Transmettre, c'est partager une part de soi. L'enseignement du cinéma à Paris 1 Panthéon-Sorbonne, par exemple, n'est pas seulement une question de technique, mais de partage de valeurs, d'histoires et d'émotions. C'est essentiel pour créer des cinéastes conscients de leur art.

L'impact des nouvelles générations

Quel est l'apport des étudiants à votre enseignement ?

Les étudiants m'apportent énormément par leur vision du monde. Ils remettent en question les normes, comme la représentation des femmes au cinéma. C'est enrichissant et cela pousse à revoir notre manière d'enseigner.

Comment votre approche de l'enseignement a-t-elle évolué en vingt ans ?

Elle a beaucoup changé. J'ai pris conscience de l'importance de ne pas seulement enseigner l'histoire du cinéma, mais aussi d'encourager la critique et l'innovation chez les étudiants.

Comment abordez-vous les enjeux économiques liés au cinéma avec vos étudiants ?

J'essaie d'expliquer que l'économie ne doit pas prendre le pas sur l'art. Les politiques culturelles doivent préserver cette balance, notamment en France, où l'exception culturelle est un pilier.

Pour quelles raisons avez-vous développé, dans le cadre de vos enseignements, des partenariats avec des acteurs de l’économie du cinéma, à l’image de MK2 ou France 2 ?

Ces partenariats permettent aux étudiants de diffuser leurs réalisations, de toucher un public plus large et de se confronter à des réalités industrielles. C'est un aspect essentiel de leur formation.

Justement, comment percevez-vous l'émergence des plateformes de streaming par rapport au cinéma traditionnel ?

Les plateformes offrent de nouvelles opportunités, mais elles ne doivent pas effacer l'aspect artistique du cinéma. Il faut un juste équilibre entre économie et création.

Le cinéma comme révélateur social

Vous abordez la question des transformations à l’œuvre dans une industrie du cinéma post #MeToo. Quelle est votre position sur ce sujet ?

Tous les films doivent pouvoir être montrés, mais il est essentiel de les contextualiser, d'expliquer pourquoi certains posent problème aujourd'hui. Le cinéma est un art collectif :  ce n'est pas parce qu’une personne impliquée dans un film a eu un comportement inapproprié que l’ensemble de l’équipe en devient coupable ou complice. C’est selon moi, profondément injuste pour toutes celles et ceux qui ont contribué à l’œuvre. Il ne faut pas tomber dans le piège de la censure ni renoncer à diffuser des films jugés problématiques avec le recul d’aujourd’hui. Au contraire, il faut les montrer, les critiquer et les mettre en perspective.  

Vous dites que le cinéma est plus que le cinéma…  

Le cinéma raconte le monde. Il n'est pas seulement un divertissement, mais un moyen de comprendre les relations humaines et les enjeux sociétaux. Enfant, j'ai eu la chance d'avoir une grand-mère qui m'a emmené à voir des films et j’ai donc découvert le monde à travers des films. C'est pourquoi le cinéma occupe une place importante dans ma vie mais aussi la raison pour laquelle je crois profondément que ces histoires et ces fictions nous aident à comprendre les relations humaines et les grands enjeux universels qui nous traversent. 

Et après…  

Quels sont vos projets après la sortie de ce livre ?

Continuer d'enseigner, de transmettre, et peut-être réaliser un film qui synthétise ces réflexions. Je souhaite également renforcer mes partenariats afin d’offrir toujours plus d'opportunités à mes étudiants.

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